Le sujet est sensible, dans la société comme au sein de certains couples. Je ne vais pas ici donner de conseils mais simplement apporter des éléments de réflexion, différents points de vue pour que chacun et chacune, chaque couple, puisse se sentir la liberté de faire ses propres choix.
L’accouchement a longtemps été une affaire de femmes, et l’est encore dans de nombreuses cultures et en de nombreux lieux de la planète. Autour de la femme en travail, point d’hommes. Avec le déplacement de l’accouchement à l’hôpital, les hommes se sont approchés de cet évènement, tout d’abord en tant que médecins. Les pères n’étaient pas plus tolérés qu’avant auprès de leur compagne en train d’accoucher. L’urbanisation a continué, avec l’exode rural et l’apparition de la famille nucléaire que l’on connaît aujourd’hui. Les femmes étant de plus en plus actives à l’extérieur du foyer, les mères des femmes en travail n’ont bientôt plus pu se déplacer au chevet de leurs filles devenant mères. La transmission qui s’effectuait de femme à femme est petit à petit devenue une transmission de professionnel de la santé à mère. Modifiant considérablement le contenu et la forme de ces transmissions, puisque le rapport même entre les deux personnes est plus hiérarchisé, moins horizontal. Cela aura d’autres conséquences mais revenons aux pères.
Les femmes qui accouchent ont besoin de se sentir en intimité et en sécurité. Alors quand la naissance de leur bébé est prévue à l’hôpital, que leurs propres mère, soeurs, ou amies, travaillent, parfois loin, à qui peuvent-elles demander de venir les soutenir pour la naissance? A leur conjoint. C’est ainsi que les pères ont fait leur entrée dans les salles de naissance. Aujourd’hui il paraît naturel et évident que le père soit présent pour la naissance d’un bébé et on regrette ou on plaint celles qui n’ont pas pu bénéficier de leur présence. Pourtant cette présence qui n’est pas si ancienne, ne fait pas l’unanimité.
Tout d’abord, les premiers concernés n’ont pas toujours une grande liberté d’accepter ou de refuser cette présence à l’accouchement. Certains pères sont très heureux de pouvoir être présents, ils s’impliquent dès la préparation à la naissance, ils sont de vrais soutiens pour leur compagne. Pour d’autres les choses ne sont pas aussi simples, bien sûr ils veulent soutenir leur compagne, mais la perspective de la voir souffrir, et dans un état qui est loin de celui qu’ils connaissent, peut leur faire peur. D’autres encore ne s’en inquiètent pas spécialement mais peuvent se retrouver tétanisés, affolés, mal à l’aise le moment venu. Et en garder un souvenir très difficile, qui peut avoir des répercussions importantes sur la relation de couple, la mise en place de la relation parent-bébé, l’implication bien plus tard dans une autre grossesse et accouchement. Il ne faut pas nier ni minimiser le vécu des pères. Certes ce ne sont pas eux qui souffrent dans leur corps mais cela ne signifie pas que tout est facile pour eux lorsqu’ils sont présents à l’accouchement.
Du côté médical, les avis sont assez partagés également. Pour certains il est aujourd’hui admis que les pères sont présents, c’est un fait dont ils ne pensent pas grand-chose, ils font avec. Ils les trouvent parfois un peu gênants, encombrants, mais ils tolèrent leur présence. D’autres font en sorte de mettre le père à l’aise, de l’aider à trouver sa place sans lui mettre de pression. D’autres encore, comme le docteur Michel Odent, pensent que la place d’un père n’est pas d’être présent à l’accouchement. Michel Odent défend en effet que la présence du père dans la pièce où la femme accouche, peut parfois empêcher celle-ci de se laisser complètement aller à ses sensations et à ses besoins du moment, pouvant même ralentir ou bloquer le travail et entraîner des complications.
Et les mères? La plupart des futures mères en France aujourd’hui souhaitent la présence de leur conjoint. Pourtant certaines sont bien conscientes qu’il ne pourra pas répondre à tous leurs besoins à ce moment-là. Elles demandent alors à une doula de les accompagner, ou parfois à leur propre mère ou à une proche dont elles savent qu’elle saura être suffisamment présente tout en étant suffisamment discrète. Mais nombreuses sont les maternités qui n’acceptent qu’un seul accompagnant alors… Là se pose un vrai problème. Devoir choisir entre un(e) accompagnant(e) qui sera vraiment là pour la femme en travail, sans être impliquée émotionnellement, et son compagnon qui peut-être souhaite être présent mais aura sans doute besoin de sortir à certains moments et n’osera pas pour en pas laisser sa femme seule, au risque de lui communiquer du stress ou du découragement…
L’idéal serait que chacun puisse choisir ce qu’il souhaite. Mais si le père souhaite une chose et la mère une autre? Il est important d’amener ce sujet en couple bien avant la naissance. De pouvoir se dire en vérité ce que l’on souhaite, et d’envisager les solutions possibles pour que les besoins de chacun et chacune puissent être respectés, y compris à la maternité bien sûr. Je ne crois pas qu’il y ait une seule bonne façon de faire. Mais la moins bonne est sans doute de se rendre à la maternité pour un accouchement en couple sans en avoir parlé avant, juste parce que « c’est comme ça qu’on fait ». Il en est d’ailleurs de même pour tous les sujets qui ont trait à la parentalité.
La question n’est pas de savoir si les pères devraient ou pas, assister à l’accouchement de leur compagne, à la naissance de leur bébé. La question à se poser en couple est: est-ce que moi, futur père, j’ai envie d’être présent? Est-ce que moi, future mère, j’ai envie que mon compagnon soit là? La réponse n’est pas forcément unanime ni figée. Elle est propre à chaque couple et ne devrait pas se réduire à une simple alternative.
